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vendredi 1 juin 2018

...ils sont arrivés...

 
...tristes et dépenaillés, à pieds, à cheval ou en voitures. Ils venaient de passer la main...
Cela ressemble aux paroles d'une chanson. Mais ce n'est pas une chanson car cette horde n'a plus d'ode. Après la drôle de guerre ils fuient presque fantômes, une guerre éclair.
Poursuivis, talonnés, traqués, désemparés, acculés, la mort dans l'âme, ils ont franchi leur rubicond.
Après avoir tout emmené, tout raflé sur le chemin de la terre brûlée, la rage de la destruction au ventre, ils sont arrivés transis, pitoyables, anéantis, débarqués, démoralisés, désarmés à nos frontières ou l'on a rendu leurs armes inutilisables ; mais étaient-t-elles utiles. Leurs chars de guerre, alignés comme à la parade, leur ont fait une dernière haie, mais pour quels honneurs ?
Le peu qu'ils ont conservé, ils le distribueront tout au long du harassant cortège qui les emmènera d'écoles en églises vers un destin qu'eux seuls ignoraient: les Camps de la défaite.
Le Jura les a vus, les a reçus. Mais que sont-ils devenus ?
Français, polonais, spahis, mêlés mais jamais mélangés, ils ont vécu la même et terrible grande désillusion. Ils se sentaient trahis, abandonnés. A travers chocolat et bonbons dont ils remplissaient nos poches et nos bouches, a travers les armes, casques et autres vestiges de leur vain combat, que nos parents recueillaient, ont-ils un instant caressé l'espoir d'accéder à une nouvelle considération ?
Eux, les battus de la première heure, ont-ils obtenu leur revanche des armes ?
Les gamins que nous étions, plantés sur le bord de leur route, évoquait tout ce qu'ils laissaient derrière eux et les larmes qu'ils essuyaient furtivement en nous glissant une tablette de chocolat, avaient des origines que nous ne comprîmes que beaucoup plus tard.
Spahis, aussi blanc que vos destriers, dans vos grands manteaux, fantassins, artilleurs, gris comme vos uniformes, juchés tout la haut sur vos carrioles et vos remorques d'artilleries; vous avez marqué ma vie et le Jura de 1940.

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