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jeudi 31 mai 2018

Souvenirs...

En ce mois de Juin, je ne peux m'empêcher de me souvenirs de ces réalités vécues il y a plus de 70 ans. Ce que je n'oublierai jamais.

Depuis le début des hostilité de cette guerre de 39-45, le ciel du Jura est constamment violé par l'aviation des belligérants. Plusieurs escarmouches avec la Luftwaffe ont tourné au désavantage de la chasse helvétique. Mais depuis plusieurs mois, ce sont plutôt anglais et américains qui nous survolent ou même, nous mitraillent. Des containers en forme de gros cigares sont largués régulièrement sur notre sol. Destinés à la résistance française ils finissent souvent sur nos pâturages jurassiens. Bourrés d'armes, de vivres et d'argent ils excitent la convoitise. Mais la police et l'armée veille à leur récupération.
Des tractes et des bandelettes métalliques (brouillage hertzien), voltigent au-dessus d nos têtes à tout moment. Il est devenu coutumier d'assister au passage d'un bombardier du Strategic Air Comand ou un chasseur de la RAF, en flamme. Trainant un panache de fumée voir de flamme, ils tentent de rallier les aérodromes alliés ou s'accumule une fabuleuse armada qui devrait mettre fin à ce conflit qui dure depuis 5 ans: la 2eme guerre mondiale.
Mais les combats s'intensifient à nos frontières, depuis le débarquement du 6 juin en Normandie. Certains soir nous grimpons avec mon papa au sommet des Ordons, point culminant de la chaîne du Jura qui seule nous sépare des hostilités. Du sommet, nous suivons les départs des coups de canons qui opposent alliés à la Wehrmacht. Ceux-ci sont bientôt dos au Rhin.
Les informations de Sottens et les messages de la BBC, codés, permettent à mon paternel de suivre l'évolution du front. Sur une grande carte de l'Europe en flamme, un fil rouge et un fil vert sont tendus. Guidés par des épingles, ils sinuent au fur et à mesure des déplacements des deux belligérants. Jamais nous ne saurons ce que ces déplacements (/symboliques) ont représentés de morts et de misère sur le terrain...
Le miracle de la frontière suisse, en ces temps d'épouvante à l'échelle mondiale, nous y avons tous cru.
Ce matin je suis parti sur les pâturages au sud de Bassecourt. L'herbe est jonchée des fameuses banderoles d'aluminium. Un lâcher à eu lieu cette nuit. Il est près de midi lorsque le vol d'une escadrille me surprend. Pas de poursuivants helvétiques. Quelques courts instants et pourtant une fusillade se déclenche. Me souvenant des combats aériens précédents et des recommandations parentales, je cherche désespérément un couvert. Rien de sérieux, sinon un gros buisson d'épineux !...Déjà les tirs ont cessés. Combien de salves et de quelle durée ? Je n'en ai pas conscience, mais quelle trouille ! Me souvenant du combat aérien, quelques années plus tôt qui, juste au-dessus de nos têtes avait coûté la vie au pilote suisse Rickenbach, le 4 Juin 1940. Je l'avais vécu sans comprendre, me demandant pourquoi ma maman m'avait littéralement "cueilli" au beau milieu des fraises du jardin pour nous précipiter à l'abri, dans la cave, croyant à un bombardement...L'explosion de l'avion suisse, s'écrasant à l'entrée de Boécourt, nous avait terrorisé. Le pilote, mitraillé sous son parachute par la Luftwaffe, s'est enfoncé dans le sol jusqu'à la taille en fin de chute au bord de la route ou une pierre indique encore son impacte. Depuis lors, à chaque accrochage aérien, nous vivions des éternités de frousse, attendant comme un bouquet final: l'explosion.
Ce jour là, il n'y en eu point. J'y ai certainement battu des records pour rentrer chez moi.
La nouvelle y était avant moi, relayée par le groupe de transmission installé  dans "l'alcôve" familiale. La gare de triage de Delémont a été la cible d'un mitraillage en ràgle de la part...des Alliés
Je n'y comprenait plus rien. Qui était l'ami ? Qui était l'ennemi ? J'avais à peine 9 ans.
Plus tard j'ai pu voir des douilles, impressionnantes, ramassées par mon oncle Joseph Ackermann, alors chef de la gare des marchandises de l'époque.
Dans l'alcôve, les transmissions sont saturées. Il semble que cette attaque soit de même nature que celle conduite par la RAF contre la gare de Schaffouse, quelques semaines auparavant. Les Alliés s'en prennent aux gares de triages de Suisse, gares par lesquelles transitent les convois allemands qui empruntent les lignes du Gothard et du Simplon pour accéder à l'Italie, l'allié rattaché aux forces de l'axe et font passer ravitaillement et armement pour leurs troupes y combattant. 
Moins conséquente que celles de Schaffouse ou Rennens, cette démonstration était toutefois un sérieux avertissement aux autorités helvétiques.
Une fois de plus, la guerre nous a frôlé de son aile noire et ce 12 septembre 1944 a perturbé notre quotidien.
Ce soir la radio nous rappelle la stricte observation des consignes d'obscurcissement :-tous feux et lumières doivent être obturés. Les éclairages des vélos et des rares voitures sont presque indécelables car peints en bleu nuit. Toute fenêtre doit être masquée et ne laisser filtrer aucune lumière. Dès la tombée de la nuit, rues et villages plongent dans une obscurité intégrale ou seuls les verres luisants sont dispensés d'obscurcissement...
Dans l'alcôve, le préposé à la dynamo pédale de plus belle. Les transmissions vont bon train !...
La vie communautaire est bien perturbée. Le plan Wahlen pour l'intensification des cultures est bien assimilé. L'armée participe aux travaux agricoles et chaque mètre  carré est utilisé à bon escient. Le rationnement demeure draconien. Le père Monnin du Prayé règne sur les cartes de rationnement aux coupons détachables. Durant toutes ces années il eut la tâche délicate de répartir les ratios alimentaires.
Heureusement, la cuisine militaire, qui est installée à côté de l'école, dispense cacao, soupe, biscuits et parfois même un ragoût. Souvent seul repas avec viande de la semaine pour beaucoup d'entre nous.

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